Les Pierres qui montent, Notes et croquis de l’année 2008, Hédi Kaddour

« Au balcon, vent froid, la griffe de janvier. »

Hédi Kaddour, poète et romancier, à qui l’on a décerné le prix Goncourt du premier roman pour Waltenberg, et plus récemment, pour Les prépondérants, le Grand prix du roman de l’Académie française, s’est aussi, essayé en 2008 à un autre genre : le journal.

product_9782070127733_195x320« Couple flânant sur le quai Saint-Michel, bras dessus, bras dessous. Je les dépasse, je ralentis, j’entends l’homme dire : « Et quand tu ne digères pas une addition, tu ressembles à ta mère. »

Une année d’anecdotes, de phrases risibles et piquantes de passants, de scènes de la vie quotidienne, dans une langue acérée qui fait ressortir tous les démons de notre quotidien, mais aussi ses réflexions sur la littérature, ses rapports d’atelier d’écriture en école de journalisme, et ses phrases poétiques.


« Atelier d’écriture. Travail sur le « donner à voir ». Faire comme si on donnait des éléments à quelqu’un pour qu’il reconnaisse une personne dans un hall de gare. Yves J. propose : « Là-bas, la brune, 1,70 m, la cinquantaine bien tenue, grande bouche, les seins en avant, avec des mouvements de hanche et des gestes vifs. » C’est encore un peu long. Je leur demande de concentrer en trois traits seulement. Clotilde – elle est de Perpignan – propose avec l’accent : « Brune, la cinquantaine, une chienne. » »

Un journal d’une grande tendresse qui se dévore ou se déguste miette par miette avec délectation.

Adèle Cuny

Je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle

« J’aime la langue arabe. Je ne comprends pas ce que les femmes marocaines disent en bas dans la rue, pas plus que je ne comprenais le langage des oiseaux quand petite fille mon père m’obligeait à le suivre à la chasse ; pourtant leurs chants me rassuraient. »je-vous-ecris-dans-le-noir

Un récit poignant dans lequel Jean-Luc Seigle laisse Pauline Dubuisson, meurtrière, faire la lumière sur les tourments de son passé qui ne finissent pas de la suivre. Voilà encore une nouvelle voix pour cette femme qui a inspiré tant d’artistes comme Henri-Georges Clouzot ou Michel Vinaver. Comment survivre à son passé quand celui-ci est sans cesse relaté ? Comment vivre avec des couteaux dans la plaie ? Jean-Luc Seigle donne une nouvelle respiration saisissante à cette femme laissant l’empathie gagner son livre, la peignant tiraillée entre ses meurtrissures, sa réalité, ses rêves, ses procès.

« Je vous écris dans le noir. Ce sont les premiers mots de la lettre qui est lue à la fin du film par le président de la cour d’assises. Ce sont mes mots. J’ai bien écrit cette lettre. Mais la veille de l’ouverture de mon procès, quand j’ai essayé pour la troisième fois de mettre fin à ma vie. »

Adèle Cuny