Pas pleurer, Lydie Salvayre

« Au nom du père du Fils du Saint-Esprit, monseigneur l’évêque-archevêque de Palma désigne aux justiciers, d’une main vénérable où luit l’anneau pastoral, la poitrine des mauvais pauvres. C’est Georges Bernanos qui le dit. C’est un catholique fervent qui le dit.

On est en Espagne en 1936. La guerre civile est sur le point d’éclater, et ma mère est une mauvaise pauvre. Une mauvaise pauvre est une pauvre qui ouvre sa gueule. Ma mère, le 18 juillet 1936, ouvre sa gueule pour la première fois de sa vie. Elle a quinze ans. Elle habite un village coupé du monde où, depuis des siècles, de gros propriétaires terriens maintiennent des familles comme la sienne dans la plus grande pauvreté. »

C’est un récit à deux voix, fébriles, tendres, révoltés, drôles parfois, que nous propocouverturese Lydie Salvayre : celle de Bernanos désespérément révolté qui assista incrédule à la guerre espagnole et celle de Montse, la mère de la narratrice, qui a enfoui au plus profond d’elle les souvenirs de cette période à cause de la maladie d’Alzheimer. Sa fille, va tenter de faire rejaillir les souvenirs de sa jeunesse. Et c’est une Montse qui n’avait peur de rien, que l’on retrouve, qui suivait à Lerrida son frère Josep, porté lui, par ses idées libertaires.

Le livre est parsemé de mots espagnols qui donnent de l’authenticité au récit. Il est aussi très dialogué, et comme ce fut le cas pour d’autres romans de l’auteur, on imagine déjà qu’une adaptation théâtrale pourrait être faite.

Adèle Cuny

Le Bonheur national brut

Le_bonheur_national_brut« Le pays était bel et bien coupé en deux.

Depuis plusieurs mois – et dans la France entière –, on se répandait en injures, en hypothèses, en pronostics avec, à gauche comme à droite, la même ferveur et une égale mauvaise foi.

Moi, Paul Savidan, dix-sept ans et sept mois, je n’attendais rien de particulier de cette élection présidentielle. »

Roman d’apprentissage, Le Bonheur national brut se déroule des années 80 à nos jours. L’on suit le parcours de quatre jeunes bretons, leur questionnement, leur découverte, leur naïveté, leur caractère, les défaites et les victoires, les déceptions, les premières amours et les premiers râteaux. L’histoire débute à l’obtention du baccalauréat. Paul, le moins travailleur de la bande, est le narrateur. Malgré son manque d’investissement, son père, en colère, décide de l’inscrire en fac de médecine, persuadé encore qu’il peut se relever et en être capable. Evidemment, Paris fait rêver Paul, qui va là-bas, se tourner vers le métier d’acteur. Rodolphe et Tanguy, eux, partent à Rennes. Rodolphe rêve de se lancer dans la politique, il ne parle que de cela.  Quant à Tanguy, lui, va intégrer une école de commerce, après deux années de prépa et deviendra patron. Enfin, Benoît, lui, reste dans leur petit village, espérant faire carrière dans la photographie.

Le roman est divisé en deux parties, une de 1981 à 1984, et la deuxième débutant en 2009.

Très vite, on s’attache aux personnages, à leurs faiblesses surtout, leurs doutes, leurs manques de confiance à l’âge adolescent, leurs ambitions fébriles et la maturité de l’âge adulte. Année après année, l’ambiance, l’atmosphère, en France, en politique surtout, sont bien rendues.

Ce livre très agréable reste avant tout très attachant, l’on se souvient de sa propre jeunesse, de ses propres failles, et l’on a un sourire attendrissant.

Adèle Cuny